A propos de moi
Je m’appelle Hussein. Je suis né le 2 janvier 1984 à FAYA-LARGEAU au TCHAD. Je suis un saharien, nomade sédentarisé. Dans le nord du TCHAD coexistent plusieurs ethnies et j’appartiens à l’ethnie GOURANE. Nous sommes cultivateurs en particulier dans des exploitations de palmiers dattiers. Je suis né dans une famille nombreuse. Mon père avait 3 femmes dont ma mère qui a eu 8 enfants ; mais j’ai 11 frères et sœurs si on compte les enfants des autres épouses. Nous serions plus nombreux mais d’autres encore n’ont pas vécu.
Je ne sais pas vraiment si j’ai eu une enfance dure ou heureuse. Mon père nous réveillait très tôt le matin pour aller au jardin où il cultivait les dattiers, mais aussi des fruits et des plantes maraîchères. Il voulait que nous l’aidions. Il fallait arroser, désherber et cueillir les fruits ou les légumes qui étaient prêts à être vendus. Ma mère arrivait un peu plus tard pour prendre les paniers et aller vendre au marché de la ville ce que nous avions ramassé. Nous devions faire tout cela avant d’aller à l’école.
L’école commençait à 8H ; après avoir travaillé au jardin, nous partions à l’école à pied. L’école se trouvait à environ un kilomètre de marche. Quelquefois nous arrivions en retard et le maître nous fouettait. Là bas on ne nous grondait pas, on nous fouettait.
Je n’aimais pas beaucoup aller au jardin. Je préférais vraiment aller à l’école. J’aimais apprendre, j’aimais l’ambiance de l’école, j’aimais jouer avec mes camarades. J’adorais l’heure de la récréation, nous allions avec mes camarades acheter des friandises, des cacahuètes salées , des œufs durs et des beignets ou des concombres trempés dans de la sauce à l’arachide.
Depuis tout petit, j’ai été attiré par la cuisine ; quand ma mère ou ma grande sœur préparait le pain, j’avais envie de leur donner un coup de main, je voulais tenir la bassine dans laquelle elle pétrissait la pâte. Quand ma mère cuisinait, j’adorais rester debout devant la porte à la regarder, à observer les gestes qu’elle faisait, à sentir les odeurs et aussi à goûter ; mais elle me chassait ; elle disait : « dégage d’ici. Ce n’est pas pour toi. » Dans mon pays, seules les filles sont autorisées à préparer les repas. Les garçons ne se mêlent pas de ça. Ils ne sont généralement pas admis à entrer dans la cuisine. Par exemple, quand les plats sont prêts, nous devons demander aux femmes d’aller les chercher.
Au Tchad, la tradition veut que ce soient les femmes qui fassent la cuisine. Ce domaine leur est réservé. Depuis tout petit, je sentais que je voulais cuisiner. Adolescent j’ai fugué pour aller étudier à la capitale N’Djamena. Là j’ai vécu chez mon cousin et sa famille jusqu’à mon Baccalauréat. Je ne pouvais pas davantage cuisiner à la maison, aider ma cousine et les filles de la maison dans la cuisine . Mais, les week-ends, nous partions avec mon cousin, ses amis et ses fils à la campagne, uniquement les hommes et les garçons, dans un grand jardin qui appartenait à mon cousin ; nous partions pour la journée et là , en plein air, je m’autoriserais à faire la cuisine pour tout le monde sur un feu de bois. Et personne ne trouvait rien à y redire. Je m’éclatais : je préparais des pâtes à la sauce avec des légumes, ou bien du riz, de la viande avec de la patate douce etc…. C’est alors que j’ai pris conscience que c’est ça que je voulais faire comme métier.
J’ai passé mon bac en 2006. Je suis ensuite allé en Algérie. A la cité universitaire, j’ai pris l’habitude de cuisiner pour mes camarades étudiants.
Puis je suis venu en France et tout de suite j’ai cherché à m’inscrire dans une école de cuisine. J’ai réussi à en trouver une à Montpellier et dès les premiers jours je me suis rendu compte que j’étais dans mon monde. J’ai réussi mon CAP de cuisinier très facilement. Tout était simple pour moi dès que j’arrivais dans la cuisine. J’éprouvais beaucoup de plaisir à travailler ; j’ai appris très vite ; on m’a proposé des stages. Ces périodes dans des restaurants me plaisaient beaucoup. Je me rendais compte que le métier me plaisait.
Tout de suite après mon CAP, j’ai été embauché et depuis le premier jour j’ai aimé le travail en cuisine, l’ambiance, le coup de feu au moment du service, la découverte de nouvelles recettes, toutes sortes d’expériences. Tout ce qui touche à la cuisine me plaît et particulièrement la pâtisserie. J’ai appris dans le cadre de la cuisine professionnelle ou bien à domicile à réaliser toutes sortes de pâtisseries, entremets ,desserts etc… je pense être autant un pâtissier qu’un cuisinier. Mais j’ai vraiment un faible pour la pâtisserie. C’est ce que je préfère dans mon travail.
D’ailleurs, parallèlement à mon emploi actuel en tant que second de cuisine dans un restaurant semi-gastronomique à Paris, je prépare un CAP de pâtissier parce que j’aimerais me spécialiser dans ce domaine.
Chaque jour de travail est un jour de joie pour moi parce que j’ai le sentiment très clair de m’épanouir dans mon activité professionnelle et encore plus s’il s’agit de la pâtisserie.
Une cuisine Africaine qui a de l’avenir….
La cuisine Africaine est une cuisine très riche. Elle utilise beaucoup d’ingrédients naturels comme le sorgho, le mil, le manioc, le coco, le maïs, l’arachide… elle exploite aussi l’huile d’arachide, de coton et l’huile de palme.
Au Tchad, dans la région du lac Tchad et de N’Djaména où j’ai passé mon adolescence, on mange, bien sûr entre autres aliments, des poissons d’eau douce, frais pêchés mais aussi fumés ou séchés, de la viande bovine, du manioc qui pousse près du lac.
Dans la région de Faya où je suis né et où j’ai passé les premières années de ma vie, la cuisine est surtout familiale, simple, à base de produits cultivés localement : le mil, le blé , le sorgho, les palmiers dattiers et la patate douce. On cuisine l’agneau , le mouton , le dromadaire qui sont élevés sur place. Nous utilisons aussi des produits importés comme le riz et les pâtes qui servent de base aux préparations ; on ajoute les produits du jardin : gombo, aubergines, piments, oignons, melons, pastèques etc….
Cette cuisine a de l’avenir. Les gens commencent à connaître et elle prend de l’ampleur ; avec le temps on ira davantage vers cette sorte de cuisine parce qu’elle est simple. Ce n’est pas une cuisine sophistiquée comme dans certains pays d’Europe. Les bases et les ingrédients sont toujours les mêmes : l’eau et le feu, le sel et le sucre auxquels on ajoute les céréales, les légumes et les fruits , au besoin la viande et le poisson. De plus en plus de gens sont attirés par la simplicité, la proximité entre le producteur et le consommateur, vers une nourriture qui respecte le corps et les émotions ; or une cuisine du terroir et de la tradition va dans ce sens.
Ce qui est intéressant et c’est là que la cuisine africaine a aussi de l’avenir, c’est que dans notre société de mondialisation, les chefs mais aussi les habitants brassés dans les cultures mélangées, s’emparent de cette cuisine pour la sublimer ou pour la fusionner.