Il est 10h30. Je suis à Mikassou, un village de production de haricots, situé à plus de 400 km au sud ouest de Brazzaville, en République du Congo. La température s’annonce chaude pour la journée, il fait 28°C à l’ombre. Le village est presque désert. L’atmosphère feutrée de brouhaha aux alentours, montre que les activités ont débutés dans les champs.
Un peu plus loin, des groupements de femmes et d’hommes patientent encore, ils s’apprêtent à aller au travail. Sans doute, c’est la récolte. Les commerçants et les grossistes se bousculent à la recherche des tonnes de haricots, peut être, égarées dans des campements, qui servent au stockage et à la préparation des prochaines récoltes. L’idée n’est pas très appréciée par les grossistes qui fournissent la ville en haricot, en raison de la faible quantité de pluie, le taux de production ne les rassurent guère et ceci d’autant plus qu’il n’égale pas ceux des années précédentes. Un agriculteur se plaint : « il fait trop chaud! Nos champs ne produisent plus bien. Les temps sont devenus durs…et même lorsque qu’il pleut les pluies désorganisent nos récoltes ».
Au loin des cris discrets s’entendent des champs à proximité. L’ambiance se situe là bas. A côté un long tuyau d’eau prend source dans une rivière servant à distribuer et orienter les eaux dans les champs, ceci est un effort de groupement. Même les rares enfants qui devraient être à l’école trouvent une place pour aider leurs parents à piler et à sortir les haricots de leur filet ou à ramasser les restes au sol. Des groupements des cultivateurs prennent tout leur temps à travailler main dans la main en attendant que les commerçants, et grossistes viennent solliciter leurs récoltes… « là on cri », raconte, Céline 72 ans, dans sa cuisine, à côté d’un stock de haricots non décortiqués: « les temps ont beaucoup changés… Nos champs ne produisent plus bien ces dernières années, même les jeunes sur qui nous comptons pour nous débroussailler les champs regagnent tous la ville, et la main d’œuvre devient rare, le seau de haricots que nous vendons d’habitude à 3500 FCFA a quadruplé ».
Dans le village, le silence n’est pas roi, le chef du village harcèle les commerçants qui incitent les cultivateurs à leur vendre toute leur récolte causant ainsi une augmentation des denrées alimentaires.
Les terrains deviennent même une marchandise sur le long terme incitant les villageois à embaucher de la main d’oeuvre pour travailler leurs champs. Parmi les travailleurs, on retrouve des Tchadiens, des Camerounais…. à la recherche de petits boulots qui viennent renforcer la main d’œuvre. Martin 38 ans, Rwandais, réfugié au Congo depuis bientôt 15 ans, voyage d’un village à un autre à la recherche d’un travail. Il raconte : « Ici, travailler les champs me rapporte 500 FCFA la journée, ou plus; avec cet argent, j’arrive à nourrir ma famille, mes deux enfants et ma femme ».
Le soir, les commerçants se précipitent dans une case pour faire le point et ainsi prendre le temps de décider du prix de gros selon l’achat. Un commerçant explique: « l’agriculture a échoué au Congo parce qu’on a voulu en faire une affaire d’Etat. Et voilà le pays ne vit que des royalties du pétrole et du bois ».
Pourtant le pays compte juste 4,5 millions d’habitants pour une superficie de 342000 Km2. L’agriculture y est exsangue. Le Congo ne manque pas d’eau, ni de terres: il dispose de dix millions d’hectares de terres cultivables dont à peine 2% seulement sont mises en valeur. Une part importante des légumes provient de pays voisins. Pour éviter que le pays continue à importer massivement des denrées alimentaires, les autorités doivent investir une partie de la manne pétrolière dans des projets agricoles pour soulager la population.